Les gorges de Prâlouvre sont peu connues. Le
Chenail y serpente entre le mont du Virazeil et celui de la Tagne. C'est
un petit cours d'eau, son débit permet tout juste aux passionnés
de kayak de s'adonner à leur sport préféré
au printemps et en fin d'automne. Mais cette petite rivière prend
sa source dans les violentes montagnes des Pyrénées, et
de manière imprévisible elle se gonfle parfois en un torrent
puissant qui emporte tout sur son passage.
Entre Collin et Maurat, tous les 17 ans, en début
de printemps, on dit que la roche s'écarte derrière la cascade du
Geai. La dame des lieux paraît alors à l'entrée de
cette ouverture, et attend debout, une nuit durant. Au matin, un jeune
homme arrive, de fort loin ajoute t-on, et pénètre à
la suite de la fée dans la grotte qui se referme bientôt.
On raconte qu'un jour, à l'époque de la révolution
française, des villageois s'interposèrent devant le jeune
homme. La dame repartit donc seule dans son monde minéral, et
les récoltes furent de piètre qualité durant les
17 années qui suivirent. Depuis, dans les villages alentours,
on s'organise pour avoir un jeune homme de remplacement au cas où
l'autre faillirait ...
L'une des premières choses qui
surprend, en pénétrant dans la grotte des Mauves, est la
dominance des couleurs rouges et bleues. Le vert n'existe pratiquement
pas. Il semble absorbé par on ne sait quoi.
A cet endroit, la
Luette disparaît entre les rochers pour s'enfoncer vers une destination
encore inconnue à ce jour. Aux nombreux bruits d'eau de cette
modeste rivière souterraine viennent s'en ajouter d'autres, plus
étonnants et très distincts. Des rires, des bribes de chants,
des paroles incompréhensibles. Des experts ont décidé
que ces voix légères et cristallines n'étaient que
le fruit de résonnances entre l'eau et les parois de la grotte.
Puis ils se sont désintéressés de la question. D'autres
ont cherché à vérifier ces affirmations. A plusieurs
reprises, avec des appareils sophistiqués, ils ont enregistré
les sons de la salle des voix. Les écoutes ont fait ressortir
des clapotis, des échos, la voix des hommes présents ...
Mais aucun rire, aucun chant, aucune parole mystérieuse.
En outre, ce sont uniquement des femmes (ce qui ennuie particulièrement
les gens chargés des statistiques sur les accidents de la région).
Sachant, de plus, que ces femmes sont toutes étrangères
aux villages environnants, vous aurez un aperçu global de la situation.
Les plus initiés racontent que
Hildegarde, fée venue d'une forêt noire du Nord (fée
allemande, précisait-on durant la guerre de 39), n'eut aucun mal
à arracher l'âme de Jean-François à l'amour
de la trop douce Eliane, fée des Nouans. Elle ne lui laissa que
son corps, brisé et sans vie.